Le muscle à l’état pur
Carroll Shelby l’a dit : « rien ne remplace la cylindrée » ! ! Et c’est en suivant ce mode de vie à la lettre que la Cobra 427 vit le jour en mars 1964.
Un monstrueux V8 de 6997cc fut installé au chausse-pied sur le châssis de l’AC Cobra Mk II, équipée du petit V8 FORD 289ci, datant de l’année précédente. Le moteur provenait des grosses berlines FORD Galaxie de compétition (les mythiques ‘’Thunderbolt’’) et se montra notamment compétent à bord du vivace prototype de Cobra piloté par Ken Miles lors d’une course à Sebring. Son potentiel s’avéra cependant impressionnant, et Shelby décida par conséquent de la produire en série.
Durant l’année 1964 la nouvelle Cobra 427 fut développée de façon plus sérieuse encore; un certain nombre de transformations par rapport au concept original furent effectuées de façon à bonifier son potentiel, et surtout maintenir la bombinette sur la route, et encaisser la force herculéenne du bloc moteur.
Et c’est sans oublier que la Cobra mua de façon dramatique, à l’image de l’animal dont elle reprend le nom et les formes. Les caractéristiques les plus remarquées de cette troisième réincarnation, après les Mk I à moteur Zéphyr 2. 6l et Mk II à moteur V8 260 et 289ci, furent le remaniement complet du châssis et de la suspension. Avec l’aide des ingénieurs et des moniteurs de FORD, supervisés par Klaus Arning, un nouveau châssis en tubes fut monté sur des tubes de 10. 16 cm (les Cobra précédentes reposaient sur des tubulures de 7. 6 cm), et montés sur des amortisseurs à ressorts en forme d’hélices (remplaçant les ressorts à lames). Il est à remarquer que ce nouveau système de suspension fut basé sur celui que John Tojeiro utilisé sur son prototype AC Ace plus de dix ans plus tôt ! ! Les tubes du châssis furent élargis de 6. 35 cm pour donner l’opportunité l’implantation du moteur et les ressorts de suspension furent complétés par des triangles de suspension plus bas, sans oublier des roues (beaucoup) plus larges pour certifier un semblant de motricité.
L’extérieur de la Cobra fut également revu. La caisse prit 20. 32 cm en largeur et fut habillée de jolies ailes bombées pour recouvrir les grosses roues. Une prise d’air supplémentaire sur le capot indiquait de façon évidente la puissance du moteur qu’il y avait dessous. Avec toutes ces attentions, la Cobra paraissait encore plus virile et agressive, et prétendait sans conteste à son nouveau statut de monstre ultime ! !
La nouvelle Cobra, également référencée Mk III, ou « Cobra à ressorts », fut présentée au public au Circuit International de Riverside en janvier 1965. La production ne débuta que trois mois plus tard chez AC Cars en Angleterre, et de ce fait, l’objectif visant à construire 100 modèles de compétition en vue de l’homologation par la FIA en tant que véhicule de route, ne put être atteint… Ce qui amena FORD à concentrer ses efforts sur le catalogue « GT40 », et avorter le projet d’engager des Cobras Mk III en compétition sous les couleurs du constructeur.
le site de Shelby : http://www.shelbyamerican.com/index.asp
A cause de cela, Shelby se retrouva encombré de 34 Cobras Mk III construites pour la course en tant que modèles de route. Pendant plusieurs mois, ces voitures vierges de toute peinture traînaient sur le stationnement de l’usine, jusqu’à ce qu’un représentant proposa de les vendre comme voitures de route de « semi-compétition ». Et ainsi la Cobra 427 S/C était née, affichée tout comme l’auto de production la plus prompte du marché. Seules 31 furent réalisées, les trois autres ayant été commercialisées comme voitures de course officielles.
Cela se présentant comme, le roadster 427 standard était à peine moins impressionnant. Il atteignait les 100 kilomètres par heure en 4. 3 secondes, les 160 en 8. 8 secondes, et croisait à 265 kilomètres par heure en vitesse de pointe. Cette vitesse était d’une part pénalisée par le poids un peu en montée (1100 kgs), et un Cx médiocre, et d’autre part bloquée par un pare-brise peu incliné, générant de très fortes turbulences. Mais ce problème pouvait en partie être résolu avec l’adoption en option d’un saute-vent « Racing Screen », qui permettait de dévier le vent du visage, et gagner quelques kilomètres par heure au maximum. Ce qui ne suffira pas pour briller en compétition, les FERRARI GTO se montrant inaccessibles dès la première ligne droite venue. Mais la Daytona Coupe allait régler cette tare de la plus belle des manières…
Dotée du merveilleux 427, la Cobra développait une puissance affolante de 425 CV@6000 trs/mn, sans parler d’un couple gargantuesque de 650 Nm@3700 trs/mn. De quoi laisser sur place n’importe quelle automobile ! Mais l’ensemble des Cobra 427 ne furent pas dotées du moteur d’origine. Pour des raisons de coût et de disponibilité, de nombreuses versions de route de la 427 furent dotées d’un autre moteur, moins onéreux et moins puissant : le 428ci ( 7014cc ), dans sa configuration « Police Interceptor ».
Ce bloc fournissait à la Cobra une puissance de 340 CV@5400 trs/mn, abaissait la vitesse de pointe à une valeur plus rassurante de 225 kilomètres par heure, et permettait au roadster d’atteindre les 100 kilomètres par heure en 4. 8 secondes et les 160 en 11. 7 secondes. le poids aussi était revu la montée, avec 1311 kgs. Malgré tout, la majorité des consommateurs ne remarqua pas la différence, car tirer le maximum du potentiel de l’auto n’était possible qu’aux virtuoses du volant ; les chauffeurs moyens étaient trop occupés à maintenir l’auto sur la route pour omettre le chronomètre…
La variante S/C pousse le bouchon encore loin en offrant la motorisation en configuration course : 492 CV@6500 trs/mn (rupteur à 7000 trs ! ! !), et 670 Nm@3500 trs/mn. Les performances de cette variante n’ont pas été mesurées, mais demeurent assez à proximité de de la variante de série, car les 67 CV en plus partaient en fumée dès le démarrage. Amateurs de sensations fortes… Faites vos prières !
Ainsi affublée d’une réputation de monstre, la Cobra s’attira la crainte d’une part de ses concurrentes (déjà peu différentes), et de ceux qui ont eu le malchanceux bonheur de s’installer à son bord, et le respect le plus total, tant de ses admirateurs que de ses adversaires (à plus forte raison). Mais cet aspect particulier de la Cobra, avec le fait que sa conception vieillissait vite, fut également la cause de sa disparition trop tôt et inévitable. La dernière Cobra 427 sortit des usines en 1967, totalisant seulement 348 exemplaires construits. Ce fut la fin de la Cobra en Amérique. Et par là, le divorce définitif de la vieille dame Anglaise AC, et du cow-boy iconoclaste des Etats-Unis SHELBY.